Kurt McClung est un faiseur d’histoires. Ancien collègue de travail d’Aude de Rotalier (actuel membre du Conseil d’Administration de PN à Singapour) chez Ubisoft, il est spécialiste du “narrative design”. Il est engagé à nos côtés pour comprendre la façon dont PN se raconte, et l’univers que l’association a créé: Il a accepté de se prêter au jeu des questions-réponses sur cet engagement.

Kurt, que peux-tu nous dire de toi ?

Je suis né aux USA il y a 52 ans, j’ai vécu 25 ans en France, deux ans à Singapour et un an au Vietnam. Je suis marié et j’ai un garçon de 16 ans. Je viens de l’Indiana où j’ai suivi des études d’ingénieur informaticien, spécialisé en base de données. Au cours de mes études, mon envie de voyage m’a poussé à prendre deux années sabbatiques : arrivé à Paris pour donner des cours d’anglais, j’en suis tombé amoureux et je ne suis reparti que trois ans après pour achever mes études aux Etats-Unis.
J’ai débuté ma carrière à Paris dans l’ingénierie de projet hors normes. Pendant 10 ans dans ce secteur, j’ai également beaucoup voyagé en Asie (dont le Vietnam et l’Indonésie).
C’est un tigre blanc qui a changé ma vie : à l’époque où je coordonnais un chantier à Sumatra, un tigre blanc a été tué pour des « raisons de sécurité ». Je fus très choqué par cet acte que j’estimais injustifié. J’ai toujours eu une grande curiosité pour le jeu et l’entreprenariat, j’ai donc décidé de quitter le projet, de changer de voie pour devenir créatif chez un éditeur de BD.
J’ai écrit ensuite mes propres histoires, notamment « Dragonseed » dont je finis le troisième volume. Ce titre a attiré l’attention d’Ubisoft, qui m’a demandé de venir participer à leur « univers ». C’est ainsi que je suis devenu un spécialiste du “narrative design”: Je crée des mondes et des histoires séduisantes, attractives, qui ont leurs codes, leurs langages, leurs règles et leurs personnages.
Le scénariste que je suis créé des mondes aujourd’hui comme l’ingénieur que j’étais, pensait les bâtiments sur ses projets. Etage après étage, en pensant à tout, dans les moindres détails, en assurant la cohérence, en garantissant que cela tient « debout » et n’a pas de malfaçon. Et comme je suis un peu « hyperactif », je développe en parallèle mes activités d’entrepreneur ; je souhaite notamment m’orienter dans la production de films et de dessins animés.
Cependant, ma réelle ambition et mon réel plaisir, peut être mon talent, c’est d’aider les gens autour de moi à résoudre leurs soucis grâce à mes histoires. Je ne suis pas devenu le Pasteur que la tradition familiale souhaitait … Mais chacune de mes histoires est, je crois, un don, une métaphore qui éclaire le chemin des gens, qui les aide, qui vient raisonner avec leur vie. Comme dans les jeux, je les aide à attraper des « vies additionnelles ».
Contrairement à ce que l’on peut dire des divertissements et des jeux en particulier, je ne crois pas que l’on se plonge dans les histoires et les contes pour se détourner de sa propre existence ; mais plus pour se retrouver soi-même. Ce que chacun peut résoudre dans son monde métaphorique, chacun peut l’applique à son quotidien, dans le monde réel. Et chacun peut (re) devenir le héros de sa propre vie. A mon sens, c’est essentiel.

Comment as-tu connu PN et en quoi PN t’a séduit ?

L’ancienne Directrice Financière d’Ubisoft, Aude de Rotalier, qui est aujourd’hui une de vos très actives ambassadrices, avait annoncé qu’elle quittait l’entreprise notamment pour s’investir au sein de votre association. J’avoue que cela m’a alors intrigué…
J’avoue être assez critique sur les ONG, un monde que je connais bien pour y avoir beaucoup travaillé dans la communication, et pour l’avoir regardé de près. J’étais très sceptique sur les « missionnaires » car je suis plutôt adepte “d’apprendre à pêcher que de donner un poisson”.
J’ai été curieux par la démarche d’Aude, de PN et j’ai souhaité en savoir plus. Ce que j’ai découvert m’a beaucoup séduit… pour plusieurs raisons qui ont une forte résonnance en moi.
Votre modèle repose sur des échanges, des passerelles. Il n’est pas à sens unique ou unilatéral. Pour la réussite de votre mission, vous mobilisez des partenaires, des volontaires, des universités et les propres bénéficiaires de votre formation. Tous agissent, apportent et contribuent.
Votre modèle est un “projet éducatif” au sens où je l’entends et au sens où il me parle : Vous dotez les jeunes d’outils utiles dans la durée ; vous proposez aux jeunes de devenir « maîtres de leur destin », indépendants, et ce de façon pérenne. Vous ne les posez pas en victimes mais en acteurs déterminés qui, par leur volonté et leurs talents, prennent le contrôle de leur avenir. Des jeunes éduqués sont l’unique richesse de notre monde à venir. A votre façon, comme les histoires que j’écris pour Ubisoft, vous permettrez aux jeunes défavorisés de redevenir les héros de leur propre histoire.
Vous contribuez au développement de l’Asie et à son rayonnement culturel… L’Asie est une région du monde qui m’inspire et me touche…C’est un continent qui a beaucoup à nous apprendre,… par son histoire, sa culture, et ses réalisations. Elle nous enseigne que l’on peut tout faire, tout réussir, si l’on est héros et non victime, si l’on se pose en acteur responsable.
A votre façon, à votre échelle très concrètement, vous permettez à trois cultures de “revenir” au monde et de nous apporter ce qu’elles sont : le Vietnam est le pays de la poésie ; sa figure emblématique, Ho Chi Minh, était un poète, les Philippines est le pays du sourire et s’en revendique, le Cambodge est le pays de la résilience mais aussi le gardien d’une des plus fascinantes et méconnues cultures de la planète.
Le levier que vous utilisez pour aider ces jeunes, celui de l’informatique, est un incroyable accélérateur pour l’Asie. Un des moyens les plus pertinents pour rapidement reprendre place dans le monde.

Comment définirais tu PN en 2 termes ?

PN est un architecte du futur. En tissant des liens, en construisons des ponts pour ces jeunes vers le futur, vous êtes aussi l’école des architectes du futur. Mais PN est aussi un mentor qui aide, accompagne, forme des jeunes talentueux pour qu’ils soient les scénaristes de leurs propres histoires.

Merci beaucoup Kurt pour le temps que tu nous a accordé et pour ce beau témoignage.
A bientôt pour de nouvelles histoires !